L’Afrique paraît donc comme étranglée.
Combien de Chefs d’Etats africains sont convaincus que l’appui massif de leur population suffirait à garantir leur pouvoir s‘ils n’ont pas l’aval de telle ou telle puissance extérieure, de ses réseaux ou de ses multinationales ? L’Afrique paraît donc comme étranglée. S’ajoute à ce drame la propre strangulation des Africains qui font de la politique uniquement pour se positionner en vue de la prise de pouvoir. L’objectif de la politique ne consiste plus à proposer à la société de véritables projets, des contrats sociaux, des alternatives pour un meilleur devenir collectif. L’objectif de la politique se résume en la prise de pouvoir, avec éventuellement un changement d’hommes don’t le but essentiel est l’accumulation des avantages personnels. C’est cela qui ruine nos sociétés, c’est cela qui bloque nos horizons, c’est cela qui accentue notre sous-développement dans des pays scandaleusement riches.
Mais c’est cela aussi qui nous rend incapable de penser, d’inventer et de mettre en place des systèmes politiques originaux, proprement africains, qui répondent à l’évolution de notre histoire, des systèmes politiques qui puisent dans les faculties et les leçons apprises des défaillances de nos systèmes politiques ayant fait leur preuve avant la domination du continent par l‘étranger. Oui, nous sommes encore incapables d’inventer des systèmes politiques qui lient nos capacités du passé aux exigences des temps modernes. Nous vivons avec des systèmes politiques hybrides, importés sans vraiment être européens ou américains, mais qui sont coupés des racines profondes de nos expériences politiques millénaires. Cette violence faite à l’Afrique est relayée et défendue avec acharnement par les intellectuels occidentalisés mais coupés de leurs racines que nous sommes. Il ne nous reste plus qu’à sauter dans les trains de tel ou tel bailleur de fond, des’accommoder de rester aux commandes ou de prendre le pouvoir, et de renvoyer aux calendres grecques la mise en place de systèmes politiques réconciliant l’Africain avec lui-même, son passé, son présent et son devenir. Même les bailleurs de fonds étrangers qui reconnaissent cette nécessité et qui seraient prêts à nous soutenir dans cette direction restent impuissants face à notre lutte acharnée pour la prise du pouvoir ou son maintien.
Comment pouvons-nous d’ailleurs le faire puisque même notre culture est relayée au rang de folklore, puisque nous avons même honte de nos propres langues que nous dévaluons en les qualifiant de dialectes, en les excluant de nos écoles, et que certains vont jusqu’à interdire l’utilisation de ces langues à leurs propres enfants ? Nous envoyons nos enfants dans des écoles où ils n’apprennent rien de notre culture, où ils s’instruisent pour devenir des étrangers dans leur propre environnement qu’ils ne sauront par conséquent maîtriser. Dans nos églises, nous adorons Dieu sous une forme et une interprétation qui nous demandent de nous renier d’abord comme Africains, de renier tout ce que nos an cêtres ont pu édifier comme glorification du Tout-Puissant au risque de servir le diable, le salut pour l’Africain ne passe donc que par une aliénation de lui-même, par une négation de tout son héritage et de sa vision du monde. Etrangement, les religions révélées ont fait de l’Afrique un véritable champ de bataille à coup d’injections de fonds financiers venant des métropoles de ces religions, et l‘Africain que l’ensemble du système contribue à infantiliser, l’Africain qui a faim, qui croupit dans la misère devient un fervent adhérent, il devient un fanatique de sa propre négation, il embarrasse même souvent son propre bailleur de fonds religieux dans sa ferveur anti-africaine.